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11 janvier 1851: Quand Nantes a voulu se débarrasser de ses migrants... bretons!


Si de nos jours les honnêtes nantais tolèrent sans ambages le voisinage des émigrés quimpérois ou paimpolais, force est de constater que nos ancêtres n'ont pas toujours eu cette patience...

Un matin pluvieux de 1851, Auguste Chérot, industriel réputé et conseiller municipal avisé, rend un rapport alarmant à Évariste Colombel, maire de Nantes et député de la Loire Inférieure. A la tête de la "commission pour l'assainissement des logements insalubres", l'élu n'hésite pas a nommer le responsable de la plupart des maux qui frappent la ville: l'émigré breton!

Si la première ligne ferroviaire est ouverte depuis déjà quelques mois, le problème est bien plus ancien. Chaque hiver, les saisonniers bas-bretons viennent par milliers pour oeuvrer difficilement dans les usines nantaises.

L'industrie du sucre, les conserveries, les chantiers navals drainent ces "étrangers" mal vêtus, mal payés, ne parlant que rarement le français. En 1850, cette population flottante, forme près de 10% des habitants de la cité!

Deux ans plus tôt, le choléra a durement touché la ville, faisant plus de mille morts. Le nombre d'indigents secourus par les services municipaux a été multiplié par deux, passant à plus de 15 000. Ajoutez à ça le bruit et l'odeur (de beurre salé), le nantais n'en peut plus!

Prenant la forme d'un manifeste politique, les constatations de Chérot en arrivent à une conclusion très simple: il faut se débarrasser de ces "populations étrangères à notre département" par tous les moyens. Il faut "assainir"!

Chérot décrit ses boucs-émissaires avec un luxe de détails qui n'est pas sans rappeler les discours de nos populistes modernes. La saleté des bretons est "une seconde nature" et leur dégradation morale" est descendue à un niveau effrayant"... L'hygiènisme est la principale préoccupation des notables de l'époque et une des première recommandation est la création de bain publics, afin d'améliorer un minimum les conditions sanitaires. On se méfie tout autant qu'on plaint ces "hordes nomades".

Les bas-quartiers accueillant cette main d'oeuvre souffreteuse représentent un tel foyer infectieux que le conseil recommande tout simplement de les raser... Il évoque des hangars sans fenêtres, accueillant des ribambelles de mendiants et de prostituées sur des paillasses fangeuses. Les propriétaires interrogés imputent l'insalubrité de leurs logements à la "malpropreté" de leur locataires. Plus de 500 bâtiments seront condamnés par la commission.

Quand au sort réservé à ces immigrés ruraux, il est simple: il faut simplement les renvoyer chez eux et leur interdire tout retour. Et c'est tout bonnement l'administration qui se doit de les retenir dans leurs campagnes.

Si Chérot reconnait bien les difficultés du monde agricole, il n'en impose pas moins sa vision des choses, qui, en encore une fois, frôle celle de bon nombre de nos hommes politiques. Il met tout bonnement en doutes les efforts bretons pour profiter du "développement de la consommation" et termine avec cette maxime qui n'a malheureusement pas vieilli:

"Nous sommes de ceux qui pensons que vouloir, c'est pouvoir. Le tout est de savoir vouloir".

Le Breton bretonnant restera longtemps une curiosité pour les nantais.

En 1910, la ville accueillait un village folklorique de carton-pâte avec fausse église, fausses chaumières, faux dolmens mais vrais bigoudens... Les collectionneurs connaissent bien les cartes postales de ce petit zoo humain local, dont nous publions ici quelques clichés.

Source: http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/genes_1155-3219_1996_num_24_1_1406


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