La Terreur et les Noyades de Nantes!
L'épisode de "la Terreur" qui suivi la déchéance de Louis XVI et l'avènement de la "Convention" a passablement marqué notre roman national. Ici et là, on garde les souvenirs des atrocités provoquées tour à tour par les différentes factions; qu'elles soient "chouanes", "républicaines", "crypto-monarchistes" ou "fédéralistes". A Nantes, les mémoires n'ont pas oublié le sanguinaire Jean Baptiste Carrier et ses funestes agissements, qui peu à peu se sont fondus dans une sorte de légende du crime.
Nous sommes à l'été 1793, la ville à résisté avec courage quelques semaines plus tôt à l'assaut des révoltés vendéens.
C'est toute la campagne autour de Nantes qui a été transformée en champ de bataille: des fossés ont été creusés, des murs de terre et de sable s'élèvent à travers champ. Les quelques 1500 morts chouans ont été enterrés à la va-vite dans un charnier sur la route de Rennes. Aujourd'hui encore, il n'est pas conseillé de creuser trop profondément dans les jardins du quartier Saint Pasquier...
Pour éliminer définitivement la menace, la Convention envoie un nouveau commissaire: Jean Baptiste Carrier, député du Cantal, connu pour avoir déjà réprimé les fédéralistes girondins en Normandie. Les dénonciations du "club populaire de Saint-Vincent", un comité sans-culotte nantais, ont déjà permis la destitution du conseil municipal et son remplacement par une poignée d'ultra-extrémistes.
Lorsque Carrier arrive à Nantes, en septembre 1793 , il trouve la cité au bord d'une catastrophe sanitaire.
Près de 15 000 prisonniers attendent leur sort dans des conditions effroyables. Dysenterie, gale, typhus, mauvais traitements: les médecins hygiénistes s'alarment rapidement de la possibilité d'une épidémie. On transporte donc les détenus vers l'Entrepôt des Cafés, vaste bâtiment situé près des Quais de la Fosse. Mais très vite, la maladie s'étend et tue même le gardien en chef et une partie des 200 surveillants. On trouve alors des détenus partout en ville: dans d'anciens couvents, dans le château de Bouffay ou sur des péniches aménagées en geôles.
Les archives gardent un témoignage direct de la toute première exécution de masse par noyade. La nuit du 17 novembre 1793, 90 prêtres réfractaires, emprisonnés successivement à Saint Clément, aux couvent des Carmélites, aux Capucins puis sur une barge à Chantenay sont menés sur un chaland. Le petit bateau a été modifié par des charpentiers et muni de trappes de sabordages et de grilles sur le pont. Arrivé au niveau de l'ile de Cheviré, les trappes sont ouvertes: l'eau s'engouffre dans la péniche, déclenchant la panique des hommes d'église. Trois d'entre eux parviennent à s'échapper et à rejoindre un navire voisin mais ils sont repris et noyés à leur tour quelques jours plus tard.
Dans les mois qui suivent, le système est employé à plusieurs reprises et ce sont au moi
ns 2000 personnes qui périssent ainsi. Dans les années 1950, de grands travaux sont entrepris sur les bords de Loire. La prairie de Cheviré est asséchée et reliée à la rive Nord. Très vite, la dragueuse employée à vider l'ancien lit tombe sur une couche de bois pourris. Dormants à une dizaine de mètre de profondeur, sous une gange de sable et de vase, des monceaux d'ossements humains sont remontés. Il est possible que ce soient là les victimes de ce système purgatoire.
Il est encore bien difficile de faire des recherches sur ce sujet. Les principaux témoignages, tableaux et gravures datent de la Restauration et sont fortement imprégnés par le ressentiment contre cette longue Révolution. Les chiffres et les détails donnés par ces contemporains sont donc à prendre avec de grandes pincettes.