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Le Feu au poudre ou la Tour manquante du Château des Ducs de Bretagne.


Le Château des Ducs de Bretagne de Nantes a connu de nombreuses batailles au cours de son demi-millénaire d'existence mais l'explosion de la Tour de Espagnols, au tout début du XIXe siècle, reste une événement aussi intéressant qu'inhabituel.

Le promeneur nantais attentif a sans doute déjà remarqué les fondations circulaires qui délimitent l'emplacement de l'ancienne Tour des Espagnols. Sortants paresseusement des douves, colonisés par les mauvaises herbes et les canards, ces quelques moellons de pierres sont les derniers souvenirs de ce monumental édifice de granit.

C'est à cet emplacement qu'est établi un premier bastion en parallèle du château de Bouffay, dans le cadre de l'agrandissement des défenses de Nantes au XIIIe siècle. Agrandi par le duc Jean IV, le "Chastel de la Tour-Neuve" servira aussi bien de garnison que de tribunal. C'est au dernier étage de cette tour primitive que le maréchal Gilles de Rais sera emprisonné et interrogé lors de son célèbre procès en 1440.

En 1466, François II, futur père d'Anne de Bretagne, décide de reconstruire le château; seule la tour du vieux-donjon subsitera jusqu'à nos jours. Le nouvel édifice reprend les modèles en cours à l'époque. La partie intérieure est un véritable palais, rivalisant avec ceux des princes les plus puissants, tandis que l'extérieur est formé d'un ensemble de tours défensives imposantes, reliées par plus de 500 mètres de courtines. Au XVe, XVIe et XVIIe siècle, les défenses sont renforcées et des batteries de canons assurent la riposte. Mais c'est dans de toutes autres circonstances que la muraille perdra sa fameuse Tour des Espagnols.

Nous sommes le mardi 25 mai 1800, Napoléon Bonaparte est Consul depuis quelques mois à peine et la ville de Nantes se remet doucement des remous de la révolution. Le château a été transformé en arsenal un siècle plus tôt et le bâtiment du Arnachement abrite une grande partie de l'artillerie militaire.

Les révoltes vendéennes, brutalement stoppées quelques années plus tôt, ont laissé plusieurs tonnes de munitions confisquées aux troupes chouanes. Poudre, boulets, cartouches, c'est un ensemble disparate d'objets explosifs que les soldats ont entassé au rez de chaussé de la Tour des Espanols. Certaines munitions sont stockées là depuis près de 8 ans et l'obscurité quasi-totale du local n'est pas propice au rangement. L'humidité ambiante et sa horde de champignons xylophages ont lentement attaqués les poutres de vieux bâtiment donnant sur la douve. Après 350 ans de bons et loyaux services, les boulins du plancher de François II cèdent la place et s'écroulent sur le petit magasin de poudre.

Il est midi passé de 5 minutes lorsque une monstrueuse explosion se fait entendre à travers toute la ville! La base de la Tour des Espagnols est littéralement soufflée vers le ciel dans un terrible vacarme assourdissant. Des passants sont fauchés alors qu'ils franchissaient le Pont-levis tout proche, d'autres se retrouvent ensevelis sous des quantités de gravats. Les munitions sifflent à travers le ciel dans une pétarade digne des plus grands films hollywoodiens! L'onde de choc brise les vitraux de nombreuses églises alentours. Partout les toitures sont découvertes, les meubles se fracassent au sol, les portes sortent de leurs gonds. Des blocs de granit lourds de plusieurs tonnes s'écrasent sur la cathédrale et dans la cour du château, détruisant la chapelle ducale et le bâtiment contenant les archives. En quelques secondes, les rues sont couvertes d'éclats de bois et de métal brulant! Plus d'une centaine de maisons sont touchées par des débris; un canon sera même retrouvé sur le toit du couvent des Carmélites! Une épaisse fumée noir s'élève au dessus d'un cratère béant; la muraille est ouverte sur plus de 20 mètres. Bien que situé loin de l'autre coté de l'Erdre, le prètre de la paroisse Saint Nicolas terrorisé par la détonation, abandonne sa messe et fuit son église, laissant les objets de son office sur place.

Ce sont près de 25 000 personnes apeurées qui tentent de fuir vers les portes de la ville. Très vite la rumeur gronde: l'incendie risque de toucher le magasin de principal, qui lui, contient une bonne partie des réserves d'explosifs du département... C'est toute le vieux Bouffay qui risque de disparaitre dans un déluges de pierres incandescente! Les secours s'organisent, on réunit les gendarmes, les pompiers et la garde municipale. Les flammes seront vites circonscrites et le travail de déblaiement sera la cause de plusieurs accidents, relevant le nombre de mort à soixantaine pour une centaine de blessés graves.

Certains racontent que sur le cours saint Pierre, tout près de la statue de la place du Louis XVI, on pouvait voir un bloc de pierre sur lequel il est inscrit: "L'an 8 de la République Française, le 5 Prairial, à midi 5 minutes, cette pierre de la Tour de Espagnols a été apporté ici par l'explosion; Pèse : 200 kg". Dans l'hypothèse ou ce lourd morceau d'Histoire n'avait pas été déplacé, il aurait donc parcouru plus de 300 mètres dans les airs!


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