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Willy Wolf ou la Légende de l'homme qui va mourir!

Quatre-vingt dix ans après son ultime "saut de la mort", l'ombre de ce voltigeur polonais continue de planer au dessus de Nantes.

Nous sommes le dimanche 31 mai 1925 et l'horloge du siège des Ateliers et Chantiers de Nantes vient se sonner 15h. Près de 50 000 curieux se sont massés autour du pont transbordeur surplombant la Loire. Ouvriers, bourgeois, femmes, enfants, tous se pressent sur le Quai de la Fosse. La Gaumont n'a pas hésité à envoyer une équipe de tournage pour immortaliser l'instant. La foule en est sûr, c'est un jour historique! Ce Willy Wolf va devenir une "étoile"!

C'est que depuis des semaines, on ne parle plus que de ça dans les cafés et les guinguettes ! Après un premier exploit très commenté à Rouen à la mi-avril de la meme année, Willy Wolf s'apprêterait à sauter depuis le tablier du pont de Loire! Un plongeon de 53 mètres dans la fleuve, du jamais vu dans la cité des Ducs de Bretagne!

Initialement prévu en mars 1925, l'exhibition nantaise à déjà été reporté à plusieurs reprises, laissant le temps au cascadeur de tenter son premier saut de 50 mètres en Haute-Normandie. Le conseil municipal de Nantes, présidé par Paul Bellamy, refuse d'autoriser la manifestation; s'inquiétant vivement de la dangerosité d'un tel "plongeon de la mort". En effet, la plan initial laisse songeur: Willy Wolf souhaite sauter depuis le haut du pont... sur une motocyclette enflammée!

Mais le jeune immigré polonais est très déterminé, il réitère sans cesse sa demande et va meme jusqu'à menacer de sauter en dépit de l'interdiction.

C'est qu'il n'est plus un parfait inconnu! Athlète confirmé, doté d'une forme physique impressionnante, il est déjà connu pour avoir participé à plusieurs sauvetages dans la Loire et l'Erdre. Début mai, le cinema "Le Palace", situé rue Scribe, fait patienter les nantais en diffusant le film de son fameux saut de Rouen. Les journalistes qui l'interviewent décrivent un jeune homme impassible, sûr de ses capacités mais répondant aux questions dans un français plus que timide:

"Moi pas du tout mourir, Moi faire saut sans accident, Moi travailler pour films américains, dollars, beaucoup!"

(Extrait de L'ouest Eclair du 8/04/1925)

Né vers 1900 à Łódż, dans le

centre de la Pologne, Willy, alias

Wladislas Kubera de son vrai nom, a probablement profité des accords d'échanges de travailleurs de 1920. Après l'hécatombe de 1914/18, il faut des bras pour relancer la production industrielle. A la sortie de l'usine des Batignolles, où il a travaillé comme ajusteur, le cascadeur du dimanche n'hésite pas à faire de la réclame. Devenu trompe-la-mort à temps plein, W(illy)ladislas vivote du maigre pécule que son épopée dans la Seine lui rapporté (8000 frcs soit un peu plus de 5000€) . Lors de ses apparitions publiques, il vend des cartes postales le montrant dans son maillot à tête de mort. Pour attirer le chaland, il crie à la ronde "Achetez l'homme qui va mourir! Achetez l'homme qui va mourir"!

Après moultes tergiversations, la mairie accepte finalement l'organisation d'un démonstration d'acrobaties sur un trapèze fixé aux poutres d'acier du pont le 31 mai 1925 mais insiste bien pour que le saut n'ait pas lieu. En ce dimanche de printemps, Willy Wolf descend le long de la structure, il se suspend dans le vide puis effectue une série de figures impressionnantes, sans aucun filin de sécurité. Il tourne, se contorsionne au dessus du vide dans un balai vertigineux puis remonte sur le tablier du pont.

Vers 17h30, Après avoir donné son testament à son équipe, grisé par la foule qui attend toujours son moment de frisson, Willy enfile son casque de cuir et s'approche du bord d'un pas prudent. Il est l'heure de désobéir, il est l'heure de plonger enfin vers l'abyme et la célébrité...

Willy Wolf rêve d'éternité et voit les choses en grand. Lors du saut de Rouen, on avait réussi à l'empêcher de mettre le feu à sa combinaison. Mais cette fois-ci, il a tout de même prévu une écharpe recouverte de goudrons inflammables ,afin de rendre la performance encore plus impressionante.

On allume l'étole qui s'embrase, dégageant de puissantes fumées, visibles de loin, malgré la distance vertigineuse qui le sépare du public et de la caméra.

Willy saute sans que personne ne se rende compte les gazs de combustion de son feu de Bengale l'ont déjà asphyxié. Il chute lourdement dans l'eau. 50 000 poitrines se serrent dans un même soupir effroi!

On attend quelques secondes; son corps remonte un instant, puis disparait dans les profondeurs boueuses de la Loire.

Willy Wolf a disparu! Aussi étrange que cela puisse paraisse et contrairement aux gravures des journaux de l'époque, aucun bateau, aucune barque n'est à proximité pour porter les premiers secours! Seul un soldat nommé Auguste Chesraut, plonge depuis le quai de la Fosse pour entamer les premières recherches; en vain.

Le corps ne sera retrouvé que 6 jours plus tard au Pellerin, à quelques kilomètres de son point de chute. Wladislas Kubera est mort, Willy Wolf entre dans la légende. Le téméraire polonais aura succombé aux puissantes vapeurs toxiques de son fumigène. Inconscient lors de sa chute, il est probablement mort avant d'avoir touché le fleuve.

Dans les jours qui suivent, la polémique enfle à Nantes. On interdit la diffusion du film de l'accident, que la Gaumont s'est empressé de commercialiser. La responsabilité de la mairie, qui, si elle n'a pas autorisé le funeste spectacle, n'a pas su l'empêcher non plus, est mise en cause. Puis les journaux nationaux s'en mêlent, "le Petit Journal Illustré" en fait même sa couverture du 14 juin 1925.

Son corps sera enterré dans le cimetière du Pellerin, sous son nom d'artiste. L'imagerie locale liée à "Willy Wolf, l'homme qui va mourir", inspirera de nombreuses chansons, des spectacles et même une marque de bière!

Le pont transbordeur quant à lui, rongé par la rouille, sera mis hors service en 1953, puis démantelé à partir de 1958. L'un comme l'autre font toujours parti de l'imaginaire des nantais.

Les cartes postales vendues par Willy Wolf sont aujourd'hui devenues des pièces rares, recherchées par tous les collectionneurs nantophiles. La Gaumont conserve toujours dans ces archives privées les films des deux plongeons de Willy Wolf, nous esperons qu'un jour nous pourrons vous les partager.

Sources: L'ouest éclair; wikipedia, La maison des Hommes et des techniques, sans oublier le si inspirant Stéphane Pajot!


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