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Incendie de la Basilique Saint Donatien: Le Dernier calvaire des "Enfants Nantais"


Décidément, nous allons finir par croire que les couvreurs-zingueurs sont les premiers prédateurs du Patrimoine dans la Cité des Ducs de Bretagne. Quarante-trois ans après un premier incendie qui ravagea la toiture de la Cathédrale Saint Pierre, c'est au tour des charpentes de la Basilique Saint Donatien de disparaitre dans les flammes!

Les mémoires sont encore marquées par cet incident daté de 1972: certains témoins affirmaient avoir aperçu au travers de la fumée le visage du Diable, signe de l'origine infernale de l'accident. Pour l'instant, à Saint Donatien, Méphistophélès est à laisser hors de cause. L'usage d'un simple chalumeau à gaz est cette-fois encore le principal suspect dans la destruction de l'un des chefs-d'oeuvres de l'architecture religieuse nantaise.

Difficile de se prononcer pour l'instant sur le déroulé exacte de cette seconde tragédie et on ne peut que se réjouir de l'absence de victimes, tant dans l'équipe d'ouvriers que dans l'école jouxtant l'édifice. Les dégâts matériels sont, quand à eux, pour le moins considérables. Si les objets de culte et autre tableaux précieux ont pu être sorti à temps; l'orgue et la voute seraient endommagés. La charpente est anéantie mais, bien que quelque pierres soient tombées dans les travées, l'autel au dessous n'a que peu souffert. Terrible épreuve que doit passer un des plus anciens lieux de culte toujours en activité de la ville de Nantes!

En effet, bien que la Basilique actuelle ne date que de la fin XIXe siècle, elle entretient le souvenirs d'une dévotion bien plus ancienne.

La Légende de Saint Donatien et Saint Rogatien nous permet d'ouvrir une fenêtre sur la vie de la cité à la fin de l'Antiquité. Ces "Enfants Nantais" sont deux jeunes frères martyrs gallo-romains, nés dans les dernières années du IIIe siècle ap JC.

Fils du premier magistrat de la ville, ils auraient été victime de la "Persécution de Dioclétien". Rome est aux abois, le christianisme s'est propagé dans tout l'Empire et remplace peu à peu les croyances officielles. Les invasions germaniques remettent en cause les pouvoirs politiques en place et l'Empereur Dioclétien tente de renforcer sa position dominante: l'origine divine de son pouvoir ne doit pas être contestée.

Remettant au gout du jour un sentiment patriotique basée sur une pureté romaine fantasmé, Dioclétien lance de grandes persécutions sur les populations monothéistes. En 303 ap JC, il ordonne la destruction de leurs lieux de culte et de leurs écrits sacrés. Il prive de leurs charges et de leurs droits les aristocrates chrétiens, puis fait arrêter tous les membres du clergé et les forces à rendre hommage aux dieux latins. Les réfractaires sont systématiquement torturés.

Au début de l'année 304 ap JC; c'est la totalité des populations chrétiennes d'Orient et d'Occident qui sont à leur tour pourchassées. Donatien et Rogatien vivent alors dans la villa familiale, située en dehors de la muraille gallo-romaine de Nantes bâtie un siècle plus tôt. Leur histoire nous est parvenue à travers à un document du Ve siècle, "LA PASSION DES ENFANTS NANTAIS", qui servira de base à tous les récits postérieurs.

Donatien, le plus jeune des deux frères, est déjà baptisé, contrairement à son ainé Rogatien, qui n'est que catéchumène. Tous deux étaient probablement les membres d'une paroisse secrète dirigée par Saint Similien, troisième évêque de la ville, qui leur survivra.

Dénoncés comme chrétiens, ils sont arrêtés et comparaissent devant le préfet impérial qui leur demande de renier leurs dogmes et de sacrifier aux idoles. Devant leur refus, il les condamne à subir l'épreuve du chevalet. Lors de leur dernière nuit, alors que tous deux prient en cellule, l'aîné aurait regretté de mourir sans être baptisé. La tradition veut que son frère Donatien l'ai rassuré, lui promettant que le sang de son martyre tiendrait lieu d'eau baptême...

Au matin du 24 mai 304 ap JC, ils sont menés non loin de leur demeure et après une longue torture, ils sont exécutés et décapités. Leurs corps sont enterrés directement à l'intérieur de la Domus de leurs parents.

Après neuf années de persécutions, l'édit de Tolérance de l'empereur Constantin met fin aux massacres des chrétiens. Les martyrs nantais furent très vite l'objet d'une véritable dévotion de la part des locaux. En 325 ap JC, leurs restes sont transférés dans un massif sarcophage de marbre gris des Pyrénées et les pèlerins sont nombreux à se presser autours des reliques. Le succès est tel que l'on demande à Saint Martin de Tours d'envoyer des moines afin d'assurer la sécurité

Une première église est bâtie à la place de la villa primitive aux alentours de 490 ap JC. Au plus tard en 506 ap JC, une chapelle lui est adjointe sur un terrain attenant, afin d'accueillir les reliques de Saint Etienne. Ce diacre contemporain du Christ, placé au service des apôtres et mort lapidé en 34 ap JC, est considéré comme le tout premier martyr de la Chrétienté. On imagine sans peine les retombées spirituelles et pécuniaires offert aux environs grace à la présence de ce célèbre proto-martyr, cité dans la bible et encensé par Saint Augustin. Ce petit édifice maintes fois remanié, aujourd'hui perdu au milieu d'un triste cimetière, est considéré comme le plus vieux bâtiment de la ville. Certains pans de murs auraient près de 1500 ans.

L'arrivée des vikings de Hasting Fils de Ragnar, dans les années 840 ap JC, entraina la destruction du batiment, tandis que les reliques furent déplacées dans un coffret d'Or et d'argent le long de Loire, jusqu'à Orléans.

La troisième Basilique ne sera reconstruite qu'aux alentours de 980 ap JC. C'est celle-ci qui laissa le plus de témoignages. Malgré de nombreuses modifications, des parties de celle-ci furent visibles au moins jusqu'au XVIIe siècle. La paroisse Saint Donatien porte alors sur un très vaste territoire, des portes de la cité jusqu'au-delà des berges de la Chapelle sur Erdre. Elle perdra peu à peu ces trèves au XIIIe puis au XVIe siècle. Mais son influence perdurera jusqu'au milieu des années 1950, notamment autour d'une longue procession, très suivie chaque 24 mai.

Sur plus de 15 km, les croyants passaient devant plusieurs lieux de la légende, comme une fontaine où se serait abreuvé Donatien, située tout près du hameau de la Gournière. Elle aurait disparu lors de travaux illégaux pendant la sécheresse de 1976, malgré l'opposition du voisinage. Après cette très longue marche, les processionnaires revenaient non loin du sanctuaire pour finir jusqu'à deux croix situées rue Dufour, place ou la martyrologie locale place leur supplice.

Une quatrième église est reconstruite en 1739 puis transformée en hôpital à la Révolution. Rendue au culte en 1802, elle subit des modifications entre 1804 et 1806 afin de lui donner la forme d'une vaste croix.

Le choc de la défaite de 1870 et la chute du second Empire marque la résurgence d'un fort sentiment religieux dans la grande bourgeoisie et la noblesse nantaise. En 1871, le projet de la Basilique actuelle est lancé. L'architecte Émile Perrin dresse les plans d'un sanctuaire néogothique primitif et une première levée de fonds permet à Louis Liberge de débuter les travaux en octobre 1872. L'abbés Fournier fait quelques fouilles lors du creusement des fondations et le 12 septembre 1873, la première pierre est placée dans un pilier en présence de trois cents prêtres. Mais par manque de fonds, les travaux dureront trente ans! Ce n'est qu'en 1902 que les dix cloches purent être installées. Hier soir encore le carillon de l'horloge reproduisait le célèbre "Westminster Quarters", célèbre pour etre celui du Palais de Westminster.

La Basilique Saint Donatien est donc l'ultime version d'une enceinte sacrée millénaire. Nous ne pouvons qu'espérer que les travaux à venir seront les plus brefs possibles et que, peut être, les décideurs locaux auront à coeur de remettre la totalité de ce sanctuaire en état; incluant les tombes d'ecclésiastiques laissées en friche et la chapelle Saint Etienne, qui sert aujourd'hui de lieu de stockage pour les services d'entretien.

La Basilique Saint Donatien a subi encore une fois une tragédie, et bien en attendant qu'elle ne renaisse, faisons en sorte que perdure son Histoire! Partagez l'article!

Le Chasseur d'Histoire


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