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Yann Nibor et les bardes bretons de Paris.

Le changement de format d'enregistrement est un problème bien plus ancien qu'il n'y parait au premier abord. Si nos contemporains continuent de troquer leurs Cd contre des versions "dématérialisées" de leur discothèque, nos aïeux du début du XXe siècle ont quand à eux connu le passage du cylindre d'étain au cylindre de cire puis l'abandon du phonographe pour le gramophone. Il n'est donc pas toujours aisé de retrouver les oeuvres de chanteurs enregistrées sur des supports aujourd'hui quasiment disparus. C'est le cas pour YANN NIBOR, célèbre chanteur breton, aujourd'hui tombé dans l'oubli et qui n'est plus disponible que sur de très rares disques 78 tours.

Nous sommes à la fin du XIXe siècle et la France n'est plus ce qu'elle était. Les intellectuels de la belle époque regrettent amèrement la tranquilité d'antan! Mais oui! D'avant toute cette modernité galopante! C'est que le monde a changé! L'industrie et l'innovation sont partout: le chemin de fer a considérablement réduit les distances, les journaux pullulent et font circuler l'information plus vite que jamais et on murmure meme que certains portent leur montre sur des bracelets! Quelle époque!

La France des années 1890 a besoin d'authenticité!

Dans les cabarets de Montmartre, les artistes sont nombreux à jouer la carte du folklore régional. Et les bretons ont la part belle! Publié quatre ans plus tot, le roman "Pêcheurs d'Islande" de Pierre Loti, inspire de nombreuses oeuvres dont l'un des premiers tubes: "la Paimpolaise" de Thédore Botrel. Le récit de cette lutte insensée contre les éléments a marqué durablement l'imaginaire collectif, alors porté par le mouvement romantique. Le breton à la réputation d'être courageux, dévoué; quoi qu'un peu naif. Bien qu'originaire de la Bretagne Gallo, Botrel n'apparait en public qu'en costume traditionnel Finisterien. Habitant Paris de longue date et ne chantant quasiment qu'en français, Théodore Botrel est sans doute l'artiste bretonnant le plus "fabriqué" de l'époque. Malgré le caractère ouvertement folklorique de son personnage, il ne s'inspire pas tout à fait de véritables chansons traditionnelles et "fabrique" un repertoir sans lien avec l'Histoire réel, ce qui lui sera longtemps reproché.

A l'inverse, nous nous intéressons ici à un personnage moins connu mais un brin plus authentique. Yann Nibor est né Albert Robin à Saint Malo en 1857, son père est un ancien pêcheur Terreneuvien devenu charpentier de marine. Lorsque la guerre de 1870 éclate, le très jeune Robin s'engage comme mousse dans la marine. Après un long apprentissage, il s'engage pour 5 ans comme fusilier de seconde classe. C'est lors de son service à bord des cuirassiers l'Océan et la Magicienne qu'il commence à faire montre de ses talents de chanteur.

Loin du romantisme fleur-bleue de Botrel, les poèmes de Yann Nibor racontent avec détails la vie et la misère de ces "damnés de la mer".

Un jour de 1889, apprenant le naufrage de deux navires malouins au large du Canada, il écrit une complainte en souvenirs des 179 marins disparus. Le soir même il la présente au cabaret "Le Soleil d'Or" de Montmartre. Le succès est immédiat. Tout Paris se presse pour l'écouter. Alphonse Daudet ne peut s'empêcher d'écraser une larme à l'écoute de "Les Quatre Frères et l'Ella", dont voici les paroles:

"Sur les Quat’-Frèr’ et su’ L’Ella, (bis) Y’avait cent-soixant’dix-neuf gars Y sont partis de Saint-Malo, (bis) Tous biens portants, vaillants et beaux.

Pour aller à Terre-Neuve, au banc Pêcher la morue et l’cap’lan. Mais jamais on les r’verras plus Les pauv’ p’tits gars sont bien perdus.

Ceux qui sont les plus malheureux C’est les marmailles, les veuves, les vieux. Car cet’ hiver y’aura pas d’pain Et plus d’un crèvera de faim.

Mais y’en a qui se régal’ront C’est les poissons qui les mang’ront. Allons Pell’ tas et Terr’neuvas Faut pas s’faire de la bille pour ça.

Faut boire à la santé des gars Qui sont coulés, au fond, en tas. Car comme les Quat’-Frèr’ et L’Ella Faut s’attendre à passer par-là !"

Le style est populaire, lapidaire, satyrique, presque humoristique. Yann Nibor devient "le Poète des matelots" et enchaine les tournées à travers la France.

Lors d'un passage en Bretagne en 1903, c'est tout naturellement qu'il organise un concert au profit des pêcheurs de Camaret. Il enregistre quelques chansons et officie lors de cérémonies officielles au titre de Barde de Marine et renoue avec le succès populaire dans les années 20.

En 1938, âgé de 81 ans, il suit ses enfants à la Chapelle sur Erdre, près de Nantes. Il s'installe au 9 rue de l'Erdre, tout près du bourg et passe les dernières années de sa vie à chantonner lors d'événements locaux.

"Sur Son Veston" par Yann NIBOR (A partir de 1h0815s)

En 1946, année précédent sa mort, la SACEM lui donne le titre de Doyen des Sociétaires et lui offre une grande plaquette de bronze et d'or. Aujourd'hui, une petite place située en face de sa dernière maison porte son nom.

Vous trouverez ici quelques photos de ces chanteurs du débuts du XXe siècle ainsi que quelques morceaux d'époque. Ne soyez pas trop regardants sur la qualité des enregistrements, certains sont très rares. N'hésitez pas à nous faire part de vos commentaires!

"La Paimpolaise" Par Théodore Botrel

Recueil de chansons de Yann Nibor, très populaire à une époque ou les systèmes sonores étaient inaccessibles à la majorité du public.

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